L’irréparable a un prénom…
Richard Wagamese – Les étoiles s’éteignent à l’aube – Editions Zoé
Un prénom féminin, Angie, que l’on attend pendant tout le livre et lorsqu’il apparait au détour d’une page ce prénom, il charrie une émotion que nombre des chapitres précédents ont soulevé tant ce roman est un joyau rare. Première oeuvre de l’auteur à être traduite, et la deuxième vient de paraître. Richard Wagamese écrit la nature comme rarement et sait « remercier le mystère pour le mystère », décrire une relation violente, féroce même entre un jeune homme et un père revenu de loin et qui repartira plus loin encore. Il ausculte une enfance qui ne serait qu’un cratère bouillonnant voué à devenir des cendres. Il nous fait nous éprendre d’un vieil homme et on le reconnaît pour ce qu’il est : un homme bon. « Le garçon sentait son odeur d’essence, de graisse et de tabac, c’était l’odeur dans laquelle il se souvenait avoir grandi ; il ferma les yeux et la fit toute entière pénétrer en lui. »
Alors qu’il chasse son premier chevreuil à l’âge de neuf ans, l’enfant va pénétrer le monde et rejoindre le peuple de ses ancêtres indiens, les injuns. « Il en vint à comprendre comment le bruit était amplifié dans le monde silencieux et sombre de la forêt. Il apprit la prudence. Il apprit la patience. Il apprit la ruse. Ensemble, le vieil homme et lui suivaient à pas de loup les chevreuils, en prenant une piste parallèle et ils parcouraient des miles ainsi en se tapissant. Furtif. C’est le mot qu’il appris alors… Le garçon rejoignit la nature. c’était tout ce qu’il lui fallait. Le fusil le retenait là. C’est ainsi qu’il en vint à comprendre la valeur des êtres vivants, par sa faculté à les faire disparaître. Prendre la vie était une chose solennelle. La vie était le coeur du mystère. Le fusil un moyen de l’évaluer. Sa main sur le flanc velouteux du chevreuil. Une lamentation née d’une perte qui, avait-il fini par lentement comprendre, faisait partie de lui-même à jamais. » Ensemble, le garçon et le vieil homme sont de la famille des étoiles qui s’éteignent certes parfois, et renaissent avec la nuit.
Richard Wagamese – Les étoiles s’éteignent à l’aube – Editions Zoé