Ce sont mes amours que le vent emporte ?
Rien
Emmanuel Venet – Editions Verdier
Après ma première lecture de « Rien », réalisant que comme le narrateur, le héros, le meilleur ami du narrateur quoi qu’il s’en défende, et tous les autres personnages du roman, réalisant donc que comme eux j’avais raté et ma vie amoureuse et ma vie professionnelle, ma vie tout court donc, je me suis demandée si la meilleure manière de rater ma mort serait de l’attendre ou de la provoquer… J’en étais là de mes pensées lorsque je réalisais que je n’avais cessé de sourire et de rire tout au long des cent pages de ce livre jubilatoire, où une lucidité trempée dans le meilleur acier va de pair avec une tendresse quasi charnelle, pour composer un texte décapant.
Sur l’amour, il sait, Emmanuel Venet, que lorsque le désir magnétique nous a fui, lorsque la tentation du souvenir échoue à rendre vie au musée de nos passions, on est foutrement seul ! Et terriblement floué parce que l’on distingue que même quand le désir magnétique etc. etc. nous tenait, on était déjà tout seul. Sur l’accomplissement créatif, artistique, il déclare tout net que sans un minimum d’égoïsme et même de muflerie, on peut dire adieu à ses rêves… Sur le suicide, il tient que le mystère qui enveloppe ces actes, avérés ou seulement hypothétiques, relève de l’inaliénable secret de chacun. Et que seul le silence est acceptable. Rien est une merveille d’humour ciselée par un styliste hors pair et un compositeur magistral, car ces pages écrites d’une traite, sans chapitre, sans paragraphe, où un récit s’emboite dans un autre, enchaînent le lecteur par une nécessité narrative musicale et voluptueuse.
Venet a les yeux grand ouverts sur une humanité qui traverse sa vie « Eyes wide shut » comme le disait si bien Kubrick dans son dernier film. Et si, comme le chantait Jean-Roger Caussimon à son amoureuse, « Ma toute belle, ma fille à moi, ma tourterelle, ma frangine d’amour, ma maman » cette grande affaire qu’est nous deux ne pouvait trouver un semblant d’espoir sur le chemin d’une indulgente fraternité, « tout fiers d’avoir trouvé ça ». Questions.
Rien – Emmanuel Venet – Editions Verdier