L’écrivain et l’abri (suite) …
Marie Van Moere
lors de sa résidence d’écriture à la maison De Pure Fiction
La maison est basse. C’est la tanière dont j’avais besoin. Elle ressemble à une bergerie ancienne. Elle n’est pas rénovée, elle est restaurée. Restaurée. Reprenons. C’est la tanière dont j’avais besoin : je suis une ourse. Je supporte difficilement mes congénères, donne le change avec joie un moment avant le repli intérieur que je ne contrôle pas toujours. Je suis une ourse avec deux petits. Être ourse et mère, penser en écriture toute la journée, se lever d’une nuit pleine de rêves pour écrire, tout cela relève d’un équilibre délicat dont les enfants n’ont cure, ce que l’enfant en moi comprend, et que l’écrivain n’accepte pas, équilibre délicat donc. L’animal, la mère et l’écrivain doivent tenir debout, du moins il en faut deux pour tendre une main secourable à celle des trois à genoux. L’animal, pour peu que ma mémoire ne trahisse pas ma conscience, se tient toujours droit. En septembre, au passage du seuil de cette maison, il a posé la mère dans une des deux chambres, s’est caché dans le jardin et j’ai installé mes quartiers dans le bureau. J’avais déjà bien assez à faire avec le manuscrit pour la Série Noire, que la mère dorme et l’ourse attende le chevreuil m’a libérée. Voilà l’effet de ce séjour lotois sur mon travail, le deuxième roman si dur à écrire. Cette maison d’écrivain trie la fierté et l’orgueil, permet d’affronter le néant dans lequel la vraie solitude pourrait faire plonger l’écrivain, dans lequel certains ont plongé, si la mère n’avait pas été en repos et l’ourse à chouffer le chevreuil un peu plus loin dans un bosquet de chênes. Cette maison d’écrivain t’aide à retrouver ton écriture celle à mi-chemin entre la pensée et la pulsionnelle, celle qui n’appartient à personne, ni aux écrivains que tu aimes, ni à l’écrivain que tu voudrais être, l’écriture qui est tienne et, par là même, l’équilibre entre tes identités. Quand on se sait protégée, on peut se mettre à nu.