Une enfance ruinée par la guerre…
Mauvaises herbes
Dima Abdallah – Editions Sabine Wespieser
A lire d’une traite, sans reprendre son souffle, ce souffle qui manque tant à l’enfant de ce roman, et qui est immense chez l’écrivain. Il y a quelque chose de l’envoûtement du Boléro de Ravel dans la musique de ce livre, lancinant, puissant, sans fin, enveloppant, enserrant le lecteur dans les herbes folles ou pas, dans une touffeur extraordinaire. Il y a des fulgurances formidables.
A propos de l’horreur de la guerre civile au Liban, tant de choses ont été écrites, mais jamais l’enfant n’a pu prendre la parole dans cette relation criante et silencieuse avec le père. La guerre à bas bruit, omniprésente en arrière-plan, étreint le lecteur plus que si toutes les deux pages un immeuble sautait laissant la rue jonchée de cadavres.
C’est aussi un livre sur la mémoire et sur l’oubli, pas sur la mémoire de la mélancolie proustienne, ou poétique de certains écrivains, mais sur la mémoire de la douleur, et celle du bonheur de la douleur.
C’est un roman formidablement sensuel, tactile, odorant, on sent les mains se toucher, les fleurs répandre leur effluves, la douceur du potager de la grand-mère. L’être entier est convoqué dans la lecture, cela aussi est une prouesse. L’enfant, le père, les deux personnages centraux sont extraordinairement habités, les personnages qui passent, Sandrine, la mère, le frère, la grand-mère morte mais vivante, vivent en pointillés, mais leurs pointillés sont imprimés dans la mémoire du lecteur et font corps dans l’ensemble du roman.
Tout est fabuleux, le rythme, les odeurs, les descriptions, la violence extrême qui se joue dans la psyché de l’enfant et dans la douleur du père, et pourtant tout est d’une beauté à couper le souffle.
Mauvaises herbes – Dima Abdallah – Editions Sabine Wespieser