Des destins se scellent, des promesses vacillent…
La femme fardée – Françoise Sagan- Editions Stock
Etre ou paraître : c’est à cette hésitation profondément humaine que nous confronte Françoise Sagan dans La femme fardée.
A bord du bien-nommé « Narcissus », la croisière qui réunit une poignée de personnages autour d’une -fausse- passion commune : la musique classique, s’annonce futile, oisive. Chacun vient sans doute se mirer dans le regard des autres, pour y mesurer sa fortune, sa beauté, sa renommée, son mépris de tous et de tout.
Au fil des pages, des escales et des esclandres, Françoise Sagan déshabille ce petit monde. Avec l’habileté d’un chef d’orchestre, la romancière, malgré le désaccord parfait qui existe entre ces individus aux origines et aux aspirations disparates, crée des duos impensables, des connivences qui font ressurgir des envies délaissées, des moi oubliés.
A la fois ironique et attendrie devant ses personnages qui jouent le rôle de leur vie, elle ôte les fards pour découvrir les visages. Le tricheur est un grand enfant sentimental, la bourgeoise exubérante une bienveillante protectrice, le défenseur du peuple un tyran torturé. Ainsi, des passions se révèlent, des destins se scellent, des promesses vacillent. Et pourtant, la plume de l’écrivain est si légère, détachée, qu’on glisse de piscine en dîner mondain, de cocktail en concert de diva, et on en oublierait presque l’intensité des drames qui se jouent dans ce huis-clos à ciel ouvert. Cette croisière « littéraire » prend le temps. Le temps s’y étire, donnant une magnifique occasion de comprendre ce qui se cache derrière un fragment de vie, un battement de cil. Poser des mots sur ce qui ouvre les coeurs, sur ces instants éphémères où tout se décide à notre insu. Amours, complicités, intuitions ou haines, voilà le talent de Françoise Sagan, qui dévoile avec délicatesse toute la profondeur et les paradoxes de l’âme humaine.
La femme fardée – Françoise Sagan- Editions Stock