Le blasphème par la voie de la littérature…
Les œuvres de miséricorde – Mathieu Riboulet – Editions Verdier
Un livre dont la lecture ne peut laisser indifférent, un texte d’une puissance inouïe, qui mêle histoire, peinture et sexualité, et qui est avant tout un livre incarné, charnel tout en étant érudit.
Beaucoup a déjà été écrit sur ce texte si beau, si puissant et pourtant, tenter de dire encore tout ce qu’il contient en évoquant la « main » chère à son auteur, me semble une autre façon de lui rendre hommage.
« He is very conscious of hands » Mathieu Riboulet le mentionne plusieurs fois, « ces mains qui agissent, frappent, caressent, tuent, percent, ouvrent, referment, pansent. » Ces mains tiennent la plume et nous donnent envie de lire.
« Comment poser la main sur un sexe tendu, sur un cou à trancher, sur un cadavre frais sans trembler d’émotion de peur ou de tension, sans être hors de soi, et ou va-t-on alors? » Comment avec nos mains tourner les pages de ce livre qui nous plonge dans un corps à corps des guerres franco-allemandes du siècle qui nous a enfanté sans ressortir éreinté, mais éblouis? Cette main qui traverse les pages est-elle celle de l’écrivain, du peintre, de l’amant, du bourreau, du supplicié, du sacrifié, du soldat et aussi peut-être celle de Dieu ? Cette main permet le blasphème par la voie de la littérature. Elle est un morceau du corps si symbolique, main qui caresse ou devient instrument portant l’arme, main tendue, ouverte, offerte ou refermée de la mort.
Mathieu Riboulet écrit des textes questionnants, dérangeants, inattendus, décalés, des textes sur la passion, la famille, la maladie, l’admiration, jusqu’à ces pages d’une beauté à couper le souffle. Les ayant lus déjà deux fois, je sais que je les relirai encore et encore. Les œuvres de miséricorde, cette œuvre de main de maître.
Les œuvres de miséricorde – Mathieu Riboulet – Editions Verdier