Au fond des forêts…
Racine – Oeuvres complètes – Editions La Pléiade
Dans sa préface à Bérénice, le grand Racine résume bien la tragédie : « Il suffit que l’action en soit grande, que les acteurs en soient héroïques, que les passions y soient excitées, et que tout s’y ressente de cette tristesse majestueuse qui fait tout le plaisir de la tragédie. » Tout est dit, reste à l’écrire afin que pour l’éternité ces mots résonnent hauts. On est avec Bérénice :
« Je fuis des yeux distraits,
Qui me voyant toujours, ne me voyaient jamais,
… Le seul bruit d’une mort que j’implore
Vous fera souvenir que je vivais encore. »
Puis plus loin Bérénice à Titus :
« Je n’écoute plus rien ; et pour jamais adieu.
Pour jamais ! Ah seigneur, songez-y en vous-même
Combien ce mot cruel est affreux quand on aime ? »
Il y aussi Iphigénie et son père si peu exemplaire, Agamemnon :
« Ma fille qui s’approche et court à son trépas,
qui loin de soupçonner un arrêt si sévère,
Peut-être s’applaudit des bontés de son père,
Ma fille… Ce nom seul, dont les droits sont si sains,
Sa jeunesse, mon sang, n’est pas ce que je plains.
Je plains mille vertus, une amour mutuelle,
Sa piété pour moi, ma tendresse pour elle,
Un respect qu’en son coeur rien ne peut balancer,
Et que j’avais promis de mieux récompenser.
Non, je ne croirai point, ô ciel, que ta justice
Approuve la fureur de ce noir sacrifice. »
Mais si l’on ne devait en retenir qu’une des femmes tragiques, héroïques chères à Racine, ce serait Phèdre certainement :
« Est-ce un malheur si grand que de cesser de vivre ?
La mort aux malheureux ne cause point d’effroi
… Mais quelque juste orgueil qu’inspire un sang si beau,
Le crime d’une mère est un pesant fardeau. »
Racine – Oeuvres complètes – Editions La Pléiade