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Maison d'écrivains (le Blog)

Pour entrevoir la doublure du Temps…

Pour entrevoir la doublure du Temps…

Vladimir Nabokov  – Ada ou l’Ardeur – Editions Fayard

On respire un grand coup et on se lance. Ada ! Lancinante, redoutable Ada ! Irremplaçable Ada. Cette fille « vêtue de façon si nue » merveilleusement charnelle dès son plus jeune âge. Affolante Ada. A la seconde où il la rencontre Van son « cousin » ( et les guillemets ont leur importance mais chut laissons l’histoire le raconter ) ne parvient plus à s’en déprendre. De Van on peut dire qu’il a « l’espoir d’entrevoir la doublure du temps. » Et d’abord sous les jupes d’Ada, et de son encore plus jeune soeur. Tout comme entre les cuisses de chacune des femelles sur lesquelles il tombe mais c’est uniquement en famille qu’il trébuche… Nabokov a déclaré : « Ada est probablement l’oeuvre pour laquelle j’aimerais qu’on se souvienne de moi. » Le succès de l’adaptation cinématographique de Lolita aura contrecarré son souhait, et on se prend à rêver d’un Kubrick ressuscité rien que pour les beaux yeux d’Ada. Quel film il y aurait là, quel livre il y a, et Nabokov pensait vrai, lui le grand mystificateur, Ada domine son oeuvre pourtant immense. Parce que cette chronique familiale singulière enchante, parce que le château d’Ardis est à lui seul un infini, ce territoire de l’enfance. Parce qu’on rencontre dans ces pages la rousseur délicieuse d’une amoureuse si malheureuse que ni Van ni Ada ne pourront rien pour elle. Parce que dans le filet de Nabokov, il y a bien plus que le talent ou la démesure, il y a le don. D’écrire. Il exsude de ce gros roman et d’une langue éternellement neuve. Unique. Parce qu’enfin ce chef d’oeuvre est un duel entre un amour et son interdit, avec pour témoins, ses lecteurs qu’il ravit. « Je t’adore. Jamais jusqu’au jour de ma mort, je n’aimerai personne autant que je t’adore. En aucun temps, en aucun lieu. Ni dans l’éternité, ni dans la terrénité, ni à Ladore, ni sur Terra où l’on dit que nos âmes vont. » Où Ada continue de grandir.

Vladimir Nabokov  – Ada ou l’Ardeur – Editions Fayard