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Maison d'écrivains (le Blog)

L’immense petit livre, on l’offre encore, on l’offre toujours !

L’immense petit livre, on l’offre encore, on l’offre toujours !

Margaret Mazzantini  – La mer, le matin – Editions Robert Laffont

« Il y a quelque chose qui n’appartient qu’au lieu où l’on est né. Tout le monde ne le sait pas. Il n’y a que ceux qui en sont arrachés de force qui le savent. »

Dans ce livre il y a deux mères et deux fils en proie au déracinement et à la folie des hommes. Seulement au final il y en aura deux de vies et non quatre. Sur ces deux là qui restent et n’ont pas été englouties, l’une est bien amputée : la vie d’Angelina. Née en Libye, exilée en Sicile après que Khadafi eut chassé les colons italiens. « Elle ne pensait qu’à ça. Ramener sa vie à ce point précis. Le point où elle s’était interrompue. Il s’agissait de réunir deux morceaux de terre, deux morceaux de temps. Au milieu il y avait la mer. La rouille de la nostalgie grinçait entre les dents tel du sable. Si la mer n’avait pas été là, elle n’aurait pas su où digérer le vide. » En Libye, sur cette terre où Angelina est née, et qu’elle ne peut, ne veut oublier, une nouvelle guerre éclate, et pour Djamila et son enfant c’est un conflit à fuir à n’importe quel prix. A tout prix. Qu’est-ce d’autre, quand croyant voguer avec son petit vers un espoir, on embarque pour la mort ?

Dans ce bref roman, Margaret Mazzantini dont on avait remarqué déjà Ecoute moi, parvient en une poignée de pages poignantes à écrire l’humaine inhumanité. La mer, le matin continue de rouler longtemps après qu’on l’ait refermée. On ne se résout pas à ranger cet immense petit livre, on aurait l’impression de tourner plus encore le dos aux malheureux, les damnés, venus se noyer à quelques encablures des côtes européennes ;  et quand certains, mais ils sont si peu, oui si peu, parviennent à atteindre le rivage, c’est pour échouer encore, en se heurtant à l’indifférence. Eux y laissent leur peau, d’autres leur âme. Alors on ne le range pas, non, l’immense petit livre, on l’offre, on l’offre encore, on l’offre toujours. Pour Jamila et son petit.

Margaret Mazzantini  – La mer, le matin – Editions Robert Laffont