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Maison d'écrivains (le Blog)

Une découverte, un trésor…

Une découverte, un trésor…

Paradis inhabité
Ana Maria Matute – Editions 10 x18

Découvrir un écrivain quand il a déjà une œuvre derrière lui, entrer dedans et, dés les premières pages, savoir que l’on voudra tout lire, tout découvrir, tout commander chez son libraire, sans qu’une seconde on ne se déprenne de cet inconnu si familier ; un être qui d’une certaine façon nous écrit. Où l’on reconnaît dans ce qu’il a de meilleur cet attachement à la littérature qui scelle tout. Dans Paradis inhabité Ana Maria Matute prête avec une justesse rare sa voix à une enfant qui n’a de cesse d’échapper à cette inéluctabilité : devenir une adulte. Adriana a beau se cacher sous les tables, dans les recoins, avoir des rendez-vous nocturnes avec une licorne et prendre son envol à la suite de onze cygnes sauvages, elle grandit et, ce faisant, elle s’enfuit d’elle même, perdant beaucoup. Trop. Petite fille intense, si intense « ainsi compris-je que j’avais toujours eu peur et que la peur finissait par contrôler tout ce que je faisais, disais ou écoutais. Une peur subtile, fragile, mais puissamment destructrice. » On lit et on retourne dans ces heures, ces années où l’on était enfant, pur, inquiet déjà, faisant appel à cette épée d’or qu’est l’imaginaire pour tenir en garde les Géants, les adultes comme les voit Adriana. Demeurer à tout prix, à toute force, celle qui aime Gavrila, le fils de la danseuse, le petit voisin, l’amour quand il n’a pas de nom encore et qu’il n’est jamais aussi profond, nous soulève, émerveille tant et plus. Cette sidération ne vaut-elle de ne jamais grandir? « Je ne tremblais plus. Je ne sentais plus rien. Je me vidais, tel les oiseaux d’Andersen fuyant vers les Terres chaudes, mon être m’échappait. Incapable de pleurer, je m’allongeai sur le sol où j’entendais, ou croyais entendre, le battement fatigué de la porte du couloir. Et un tintement à moitié étouffé par le silence, écho d’une voix sans timbre : Viens, viens, viens…
Ce fut la première fois que je mourus. »

Paradis inhabité – Ana Maria Matute – Editions 10 x18