L’être et le néant… dompté
Lambeaux
Charles Juliet – Editions Folio
« Te ressusciter. Te recréer. Te dire au fil des ans et des hivers avec cette lumière qui te portait, mais qui un jour, pour ton malheur et le mien, s’est déchirée. »
L’auteur dans ce texte va fouiller sa mémoire ancienne, celle d’avant sa naissance et de ses toutes premières années. Bien avant qu’elles ne lui soient intelligibles, il les a éprouvées dans tout son être et, combien elles sont éprouvantes et épouvante, combien elles sont ardentes, les pages que Charles Juliet consacre à celle qui lui a donné la vie, « L’esseulée et la vaillante, la jetée dans la fosse » qu’il n’aura jamais connue mais abritera jusqu’à son dernier souffle tant il est par ce qu’elle fut. « Epuisement qui te persuade que tu as tort de donner la vie, puisque toute existence est peur, solitude, souffrance, attente vaine, et pour finir l’enfouissement dans la fosse. »
Le calvaire d’une mère bouillonne dans ces pages qui laissent une empreinte presque sauvage tant elles brutalisent le lecteur et sont un tison. Ce que Charles Juliet donne à la sacrifiée dans ces pages, à sa mère affamée de beauté, d’une douceur et laminée si jeune, c’est une éternité que rien n’entame, la poésie d’un être. « En écrivant, se délivrer de ses entraves, et par là même, aider autrui à s’en délivrer. Parler à l’âme de certains. Consoler cet orphelin que les non-aimés, les mal-aimés, les trop-aimés portent en eux. Et en cherchant à apaiser sa détresse, peut-être adoucir d’autres détresses, d’autres solitudes… Ceux et celles qui ne se sont jamais remis de leur enfance ceux et celles qui s’acharnent à se punir de n’avoir jamais été aimés ceux et celles qui crèvent de se mépriser et de se haïr ceux et celles qui n’ont jamais pu parler parce qu’ils n’ont jamais pu être écoutés ceux et celles qui n’ont jamais pu surmonter une fondamentale détresse. »
Dans la deuxième partie du livre, l’auteur tente alors de dire l’autre, la seconde, « l’étouffée et la valeureuse, la toute-donnée. »Et parce qu’elle ne peut abandonner un tout petit et va l’aimer comme s’il était sien, elle le sauve.
Lambeaux – Charles Juliet – Editions Folio