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Maison d'écrivains (le Blog)

Gonflé d’une joie comme végétale…

Gonflé d’une joie comme végétale…

Célia Houdart – Le Patron – Editions POL

Comme c’est mystérieux l’écriture. On a beau le savoir, se l’être formulé des dizaines de fois, en entrant dans l’oeuvre de Célia Houdart, on redécouvre comme ce qui paraît le plus simple, le plus nu est fulgurant. Et de chaque page ou presque jaillit une émotion profonde.Un adolescent, Bilal, ne suivra pas ses parents dans leur retour en Kabylie, et un neurochirurgien, Pierre Wilms – Le Patron du titre- englué de tristesse dans son appartement de l’île Saint-Louis va ouvrir sa porte à plus perdu que lui.
Il est aussi question d’un entraîneur sportif peintre de tous les jours, d’un voisin au masque de cire, d’Iris en fleur, « d’un vase de Baccarat intransportable une fois rempli d’eau », d’un sac de sport que Bilal porte « en bandoulière, serré contre son ventre, comme une sorte de rempart », d’une partie de pêche et « les enfants s’endormirent gonflés d’une joie comme végétale. » Il est question d’amour « plus violent, plus difficile à vivre aussi. Irrépressible. Venu on ne sait d’où. » Les solitudes s’aimantent, se heurtent, puis elles s’apprivoisent et s’adoucissent. Un enfant, un vieil homme, les courbes de la Seine, et le lointain qui n’est pas un horizon : un village en Kabylie. Des oliviers là-bas, un cerisier ici, et cette sève nécessaire aux écorces, toutes les écorces. Un enfant dans la nature et ses possibles « Bilal voulut donner une idée à sa mère du lieu où il se trouvait. Il tendit le combiné téléphonique aussi loin qu’il put. Il le passa à travers la fenêtre pour faire entendre à sa mère les bruits qui l’environnaient à ce moment précis de la journée. Le vent dans les rosiers. Les coups de sécateur de Pierre Wilms qui taillait la haie de chèvrefeuille. Le passage de geais. Au loin le raclement d’une truelle. La mère de Bilal se figura un paysage de ferme normande qui ne s’accordait en rien avec la réalité mais dont l’existence imaginaire la tranquillisa. » Dans ces derniers mots tout est là certainement du charme souverain qui opère à la lecture de cette histoire et des autres romans de Célia Houdart tant avec elle la littérature nous livre l’existence imaginaire d’une réalité.

Célia Houdart – Le Patron – Editions POL