Un fruit à la peau très mince…
Célia Houdart
lors de sa résidence d’écriture à la maison De Pure Fiction
C’est un plaisir étrange que celui de peler les fruits et éplucher les légumes. Il est compris dans celui de cuisiner mais ne se confond pas tout à fait avec lui. Au mois de mars, dans le Lot, au marché c’est encore la saison des pommes et des pommes de terre. Le début des asperges, des blettes et des épinards. Dans la maison de Calvignac, je me rappelle avoir trié des feuilles de batavia au-dessus de l’évier et sur un journal ouvert. Déposant des petits tas de terre sèche ou humide et des parties de feuilles fanées sur des phrases du Monde. J’ai appris dans les pages du Larousse de la cuisine à peler comme il faut une pomme de terre. On y explique le geste de couper le haut et le bas de la pomme de terre avant de la peler, en la tenant bien calée au creux de la main, et comment ramener doucement la lame du couteau vers soi. En écrivant cela, me revient une autre scène. Je revois le geste, plus grand, à la trajectoire complètement inattendue et horrible de Jean Yanne dans Le Boucher de Chabrol, au moment où, menaçant Stéphane Audran (Hélène) dans une salle de classe, Popaul retourne son arme contre lui-même et se plante la lame de son couteau à cran d’arrêt dans le ventre. Puis la course de Stéphane Audran dans sa 2CV sur les routes de campagne pour sauver le suicidé qui baigne dans son sang. Moi qui imaginais vous parler de fruits et légumes.