Au grand bonheur de la lecture…
Jens Christian Grondahl – Les Portes de Fer – Editions Gallimard
C’est une nouvelle fois un très beau roman que nous donne Jens Christian Grondahl. Dans ce parcours d’un homme, de son enfance aux prémices de la vieillesse, on retrouve beaucoup de la nostalgie présente dans ses livres. Ajoutez-y une évidence du désenchantement et l’art surtout de l’écrire, de nous le faire ressentir. Ainsi, quand l’auteur évoque le vert paradis de l’enfance qu’il voit un peu comme un débarras où l’on entasse ce que l’on ne s’est « pas résigné à jeter tout en sachant pertinemment qu’on ne s’en resservira jamais. » Et pour le narrateur comment mieux dire l’enfant qu’il était qu’en en appelant aux livres. « Quand je cherchais refuge dans Voyage au centre de la Terre, je m’ennuyais, c’était tout. Je pensais que c’était un mensonge. Que la vie ne pouvait être aussi dénuée de fantaisie, autant privée d’intensité. Je pensais qu’il devait y avoir quelque chose d’autre et, au début, ce quelque chose, je l’ai trouvé dans les livres. » Avant Jules Verne, il y avait eu Stevenson avec L’île au trésor, Dumas et ses Trois mousquetaires, tout un chemin au grand bonheur de la lecture. L’entrée dans la vie adulte est brutale quand on perd sa mère sans même avoir atteint ses vingt ans. Cette fracture là, on n’en guérit pas, on la panse, on la rumine, on la caresse aussi parfois, parce qu’elle est notre blessure familière, celle avec laquelle on va vivre. Et on sera parent à son tour, on travaillera, on aimera, on rêvera avec. Le héros de Grondahl est un jeune homme en morceaux mais entier, et prenant la suite de sa mère, l’absente si présente, d’autres femmes le laisseront seul avec son intensité. « J’ai pensé que qui nous étions voulait tout dire. Tout dire. »
Lorsqu’au détour d’une existence, il retrouve son tout premier amour, il remarque ces « guillemets dans le coin de ses yeux quand elle souriait. Comme si le sourire était une citation de sa jeunesse perdue. » Leur jeunesse.
Il est maintenant cet homme qui « marche au bord de la falaise, soudain, la terre meuble cède et, pendant une fraction de seconde, on parvient à saisir ce qu’est l’abîme avant de retomber sur ses pieds un peu plus bas, et l’on retrouve l’équilibre après avoir chancelé un instant. » Un instant qui ne nous quitte pas.
Jens Christian Grondahl – Les Portes de Fer – Editions Gallimard