Un mystère nous est offert…
Jean Giono – Regain – Editions Les Cahiers Rouges Grasset
Ecrivant la nature comme pas un, la célébrant, la prolongeant, Giono écrit l’histoire de l’Homme. Et dans Regain il atteint peut-être l’incandescence de son art. Dernier volet de la trilogie de Pan après le premier Colline suivi du magnifique Un de Baumugnes dont on ne résiste pas à donner ici un avant goût : « Maintenant qu’ils étaient enfin réunis, ça avait éclaté tout d’un coup, à la façon d’un feu qui couve longtemps, puis se jette tout allongé vers le ciel. C’était calme et solide comme un beau matin ; on entendait venir par derrière tout un long charroi de lumières. » Un charroi de lumière… il nous semble découvrir une langue, la nôtre qui serait libérée. De l’avoir sous les yeux, on la mâche, on respire mieux. La pensée à la fois plus haute et plus profonde se déploie et toute une oeuvre, la beauté qu’il y a à en être saisie nous entre dans le corps.
Panturle n’est pas un héros, il n’est pas un personnage, ou un Dieu, il est plus, il est le paysan qui ensemence la terre et la féconde par la grâce d’une femme la mieux aimée qui « a les reins et les hanches mouillés de vent. » Panturle est la chance des Hommes, un être comme un arbre dont les racines regardent aussi du côté du ciel. Il est l’ami d’un qui « tape sur l’enclume. Comme ça, pour rien, pour le bruit, pour entendre le bruit, parce que dans chaque coup, il y a sa vie, à lui. » Il est l’héritier d’une qui lavant au moyen de sa salive la bouche de la vierge « regarde au fond de l’air quelque chose qui est son souvenir et sa peine.» Il y a presque une stupeur à lire Regain, tant chaque mot est bien plus qu’un paysage ou une image, ou même un sentiment, bien plus que juste, c’est un mystère révélé et qui nous est offert. Abritant toutes les histoires prêtes à apparaître. Et à les espérer, on absorbe le monde. Celui de Pan, celui de Regain, celui de Giono le Grand.
Jean Giono – Regain – Editions Les Cahiers Rouges Grasset