Ecrire, dire, lire…
Flore Grimaud – Je descends souvent dans ton coeur – Editions Les Cygnes
Voilà un texte pour le théâtre, pour la scène, pour être entendu à voix haute, et on le lit par coeur, comme ces poésies que l’on apprend enfant pour partir sur les traces de la beauté. Chaque page ici fourmille d’idées, d’inventivité, d’énergie et d’un chagrin, celui de Perle, non pas face mais avec quasi dans sa mère qu’un cancer grignote à long feu.Et la fille se collette à celui qu’elle renomme Colomb, Christophe Colomb, tant il découvre et colonise, fouille ce ventre d’où elle vient et qu’elle n’a jamais tout à fait quitté. « Le théâtre c’est l’envers de la séparation. le théâtre c’est comme dans son ventre. Christophe, au théâtre, même la vérité c’est pour de faux tu n’existes plus, tu deviens un microbe-raclure. » Elle joue Perle, elle brûle les planches selon l’expression consacrée, et devenue pour quelques heures un être de pure fiction, elle brûle de l’intérieur ce fichu explorateur embarqué non pas sur mais dans la mère. Sans espoir de retour cette fois, sans nouveau monde, sans rien d’autre à atteindre que le dernier rivage. Et Perle enrage : « Elle en fait des kilomètres juste pour t’apercevoir sur scanner ou faire une écho. Tu l’as à ta botte, espèce de macho ! Elle sort moins pour rester en tête à tête avec toi… Quand tu dors elle s’apaise, te surveille comme son lait sur le feu. C’est à qui qu’elle pense le plus ? A toi, ou à moi ? Je l’ai vu hier, choisir ses habits, en fonction de toi. Elle maigrit comme quand on est amoureux, elle ressort même ses turbans de l’époque, où elle était jeune. »
Il y a aussi dans ce texte bref et si dense, où l’on passe de l’ombre à la lumière, un troisième coeur qui bat, celui d’une star qui les incarne toutes les étoiles ; sorti des rêves d’une jeune fille, la star est là encore une réalité conquise, à la bonne taille, faite à la démesure d’une jeune femme intense qui d’un crépi parvient à faire une belle histoire « On peut se râper si on passe en courant. On s’en fout, c’est l’été, avec le teint hâlé ça fait comme des dessins à la craie. » Une grande fille perd sa maman, elle aborde aux confins de l’absence, à tant de profondeur. « Quand je serai grande, si j’ai un enfant, je ferai bien attention. Ne pas trop l’aimer. Avec parcimonie. Ce sera plus pratique pour se quitter. » Ecrire, lire, dire. Tout est là. Dans ces pages.
Flore Grimaud – Je descends souvent dans ton coeur – Editions Les Cygnes