Duras évidemment sublime…
Le marin de Gibraltar – Marguerite Duras
Editions Gallimard
… et non forcément sublime !
Le marin de Gibraltar est le quatrième roman écrit par Marguerite Duras. Moins autobiographique que les précédents, il contient tous les thèmes qu’elle ne cessera de développer au cours de sa vie d’écrivain. Univers de quête d’un amour, et de l’au-delà de l’amour auquel il est impossible d’arriver. L’histoire d’une femme qui cherche un homme, mais a-t-il seulement jamais existé ?
Nous sommes avec un couple qui se défait sans heurt, presque sans bruit, dans la chaleur d’un été à Florence. L’homme est englué dans une vie de petit fonctionnaire du Ministère des Colonies. Son avenir semble borné à recopier les actes d’état-civil. Et il ne trouve pas le courage d’en sortir.
C’est alors qu’il rencontre « l’américaine » la femme qui vit seule sur son yacht avec quelques marins qui travaillent pour elle quelque temps, puis s’en vont, remplacés par d’autres. Rencontre, comme toujours chez Duras, entre deux solitudes, deux impuissances, qui par moments fugaces, vont se trouver dans la même attente, avant de se fuir.
Il y a ici des ports, des villes pas nettes, mystérieuses. Shanghai, Rocca, Livourne, Sète, Marseille, Casablanca, Tanger, Cotonou, Léopoldville, Freetown… Ce roman donne envie de marcher sur des quais, dans des docks, là où les cargos arrivent et partent, là où tous les jours c’est pareil et différent, là où la mer et la ville s’interpénètrent en laissant au regard l’espace pour rêver.
Marguerite Duras ne laisse aucun lecteur indifférent.
Il y a les inconditionnels – dont je suis – qui pourront se demander pourquoi ce choix et pas Le ravissement de Lol V. Stein. Il y a ceux qui ont seulement lu L’amant, le Goncourt en 1984, Duras avait soixante-dix ans ! Enfin il y a les nombreux, que son écriture, de plus en plus elliptique et suspendue, déroute, voire rebute. C’est pour donner à ceux-là une deuxième chance d’aimer les mots de cet écrivain qui sut comme personne dire la recherche de l’amour absolu, d’une sorte de transcendance inaccessible, que j’ai choisi Le marin de Gibraltar.
– Dans ton romain américain, me dit-elle, si tu parles de cette rencontre, il faudra dire qu’elle a été pour moi très importante. Qu’elle m’a permis de saisir, de comprendre … un peu ce que voulait dire cette histoire, c’est-à-dire le sens qu’il pouvait avoir lui, en tous cas, et même aussi, celui qu’il avait eu pour moi…et que c’est depuis qu’elle s’est produite que je crois dans les choses possibles de le rencontrer encore, de rencontrer n’importe qui, n’importe quand.
Et que je crois aussi que je me dois à sa recherche, comme d’autres à …
– À quoi ?
– Je ne sais pas dit-elle. Ça je ne le sais pas.
– Je le dirai, dis-je.
– Ce n’est pas de la littérature, ajouta-t-elle au bout d’un moment. Ou alors, si c’est de la littérature, il faut en passer par là, certaines fois, pour rendre compte de certaines choses.
– Je le dirai aussi, dis-je.
Le marin de Gibraltar – Marguerite Duras – Editions Gallimard