Une vie de cochons !
Règne animal
Jean-Baptiste Del Amo – Editions Gallimard
L’histoire commence en 1898 dans une ferme, on découvre une famille de paysans, le père, bientôt mourant, la mère » la génitrice » et leur fille Eléonore. Une vie de peu, presque miséreuse, l’agonie atroce du père, l’avarice et la méchanceté de la mère, saccagent l’enfance d’Eléonore.
Jusqu’au jour où le cousin Marcel vient prêter main forte à la famille, il travaille d’arrache-pied, et lui seul a des attentions pour Eléonore. Lorsque le père meurt enfin, et que Marcel est envoyé au front de la Grande Guerre, Eléonore est livrée à la vindicte de la génitrice et à la solitude. A mesure qu’elle grandit, elle s’enfonce dans une sorte de folie, en même temps elle assiste à la déréliction mentale de sa mère. Puis un jour Marcel revient. Mais le soldat est défiguré. La génitrice finit par mourir, se jetant au fonds du puits, Marcel et Eléonore se marient, ont un enfant, Henri. On retrouve la famille en 1981, Eléonore est toujours en vie. Henri a eu deux fils, Serge et Joël. Sa femme est morte depuis longtemps. Serge est marié avec Catherine qui souffre de grave dépression. Ils ont eu deux enfants, une fille et un garçon, Jérôme, un enfant rêveur qui ne parle pas. Joël est célibataire, plus doux que n’est son frère, Serge, qui est devenu alcoolique. Le père et les fils travaillent ensemble dans ce qui est devenu une exploitation porcine. Henri, élevé à la dure par Marcel, a reproduit les mêmes principes d’éducation auprès de ses fils, pour faire d’eux ce qu’il convient d’appeler des « hommes. » Il se trouve que ces hommes sont devenus insensibles à bien des souffrances à commencer par celles des bêtes qu’ils élèvent. Le joug du père est si fort, qu’aucun des fils n’osent de rebeller contre cette industrie mortifère qui est en train de les asphyxier : l’élevage des porcs. Une épidémie va les décimer. Alors que le chaos s’empare des lieux, la vieille Eléonore recueille son petit fils Jérôme, lui offrant un geste de tendresse inespéré.
Un étrange roman, une traversée du XXème siècle dans une ferme de France. Admirablement écrit dans une langue maîtrisée et imagée, ce texte est épuisant ! Tant la violence ou plutôt la rudesse, la dureté du monde est décrite avec un luxe de détails et d’ambiance parfois insoutenable. Un monde brutal où l’homme y est décrit encore plus bestial que les animaux. La sexualité est animale, la mort omniprésente, la violence partout. Rien n’est épargné au lecteur, ni la mise bas, ni la mort des porcelets inaptes, ni les maladies, ni la sauvagerie des hommes. Extraordinaire roman; nul doute, Jean Baptiste Del Amo est un écrivain.
Règne animal – Jean-Baptiste Del Amo – Editions Gallimard