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Maison d'écrivains (le Blog)

Egérie, soutien et muse de nombreux peintres, compositeurs…

Egérie, soutien et muse de nombreux peintres, compositeurs…

Gabriële
Anne et Claire Berest – Editions Stock

Les arrière-petites-filles de Gabriële Picabia, née Buffet, retracent la vie de cette personnalité hors norme, née a la fin du XIXème siècle et qui traverse presque tout le XXème siècle. Très jeune, Gabriële, fille d’officier, démontre son indépendance et ses dons artistiques en se consacrant à l’étude de la musique. Première femme admise à la Schola Cantorum, elle décide de s’installer seule à Berlin contre l’avis de sa famille. Débute alors le parcours d’une femme animée par le goût des arts, en rupture totale avec l’air du temps tourné alors essentiellement vers l’impressionnisme et la musique symphonique ; elle va devenir égérie, soutien et muse de nombre de peintres et compositeurs d’où naîtront le cubisme, le mouvement dada et plus généralement l’art abstrait.

Cette femme à l’intelligence hors norme épouse le peintre Francis Picabia qui restera son grand amour malgré leur séparation et les innombrables maîtresses et ensuite les autres épouses de ce dernier. Gabriëlle est pour lui le cerveau, le soutien de sa vie tumultueuse et talentueuse permettant au peintre à la personnalité bipolaire de vivre et de créer. Elle est au cœur du bouillonnement artistique, son amitié avec Apollinaire l’accompagnera toujours même après la mort du poète. Elle restera également liée à Edgard Varese avec qui elle connut un émerveillement musical à Berlin. Gabriële Picabia consacrera toute sa vie à l’art et aux artistes, elle a connu toutes les « débauches » du début du siècle, traverse la guerre de 14/18 toujours tendue vers son seul objectif : faire émerger une nouvelle conception de l’Art. Elle navigue dans le monde, de Berlin à Paris, New York et Barcelone, puis en Suisse, aucune frontière ne l’arrête, elle impressionne par son intelligence et sa détermination. Femme hors norme, elle est également une mère hors norme. Elle aura quatre enfants avec Francis Picabia, sans qu’à un seul instant ne jaillisse en elle le moindre sentiment maternel. Ses enfants sont élevés dans des pensionnats suisses ou ailleurs, mais jamais embrassés par leur mère, encore moins par leur père pour qui ils ne sont que des « encombrants » dixit le grand homme… Gabriële se voue à Picabia, l’artiste, le peintre, qu’elle protège de lui-même et de sa folie. Il est pour elle tous les enfants.

Vincente, le dernier né de Gabriële et Francis Picabia, grand-père d’Anne et Claire Berest, se suicidera à l’âge de 27 ans, laissant une fille Leila, mère des deux auteures de ce livre dont l’écriture à quatre mains est si fluide qu’elle en est imperceptible. Les arrières-petites-filles brossent non seulement un portrait de femme qui en contient dix mais aussi d’une époque charnière. Cette personnalité solaire, brillante, déterminée, d’une puissance intellectuelle exceptionnelle est formidablement mise en lumière dans ce texte, tout autant que l’est en creux la tristesse infinie des enfants ignorés. Les parents ne savaient pas qu’ils étaient parents.

Gabriële – Anne et Claire Berest – Editions Stock