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Maison d'écrivains (le Blog)

Eclairer les plus intenses obscurités…

Eclairer les plus intenses obscurités…

Russel Banks  – De beaux lendemains – Editions Actes Sud

« Notre façon de considérer la mort dépend de l’image qui nous en est préparée par nos parents et les gens qui les entourent, et de ce qui nous arrive au tout début de notre vie. Et si on avait une juste conception de la mort – comparable à la certitude qu’on a de la réalité des impôts, par exemple -, si on ne s’obstinait pas à se figurer qu’on peut y échapper, il n’y aurait peut-être jamais eu de guerre du Viêt-nam. Ni aucune guerre. Au lieu de ça on croit ce mensonge : que, contrairement aux impôts, la mort peut être indéfiniment remise à plus tard, et on passe sa vie à défendre cette conviction. Il y a des gens qui excellent à ce jeu, et ils deviennent les héros de la nation. D’autres, comme moi, pour des raisons obscures, reconnaissent très tôt le mensonge pour ce qu’il est ; ils jouent le jeu pendant quelques temps, puis ils deviennent amers, et puis ils passent au-delà de l’amertume, vers… vers quoi ? Ceci, je suppose. La lâcheté. L’âge adulte. » Pour bien entrer dans ce livre, il suffit de lire les mots qui précèdent, ils disent tout de la puissance de Russel Banks qui avant American Darling signe avec De beaux lendemains un autre très grand livre. Quatre narrateurs s’y succèdent, chacun donne à cette histoire bien plus que sa voix, ses tripes ou son âme. Ils sont la parole de tous les hommes, toutes les femmes, ils sont nos pensées les plus intimes et souvent indicibles.

Plusieurs enfants d’une même petite ville périssent dans un accident de bus scolaire. Et les vivants s’enlisent dans des ténèbres encore plus profondes et glacés que celles où le convoi a basculé. Roman de la culpabilité, dont le personnage le plus trouble est certainement la jeune Nicole Burnell, rescapée mais paralysée, elle assène magistralement sa lucidité terrible, emmenant tout le livre vers son dernier chapitre, tragique et lumineux ; au point qu’on le croirait presque à même de venir à bout des plus intenses obscurités.

Russel Banks  – De beaux lendemains – Editions Actes Sud