Menu de navigation

Maison d'écrivains (le Blog)

A livre ouvert avec Tiffany Tavernier

A livre ouvert avec Tiffany Tavernier

Avec L’ami paru en janvier aux éditions Sabine Wespieser, Tiffany Tavernier s’attache une nouvelle fois à fouiller l’humaine humanité et ce malgré tous… Envers et contre tout.


Racontez-nous où commence un livre

Le départ d’un livre, ce peuvent être quelques lignes d’un article de journal pour Roissy, le souvenir obstiné d’un été passé en Arctique pour L’homme Blanc, une conversation avec un metteur en scène, tard le soir, autour de la question du tragique, notre envie à tous de s’y coller dans À Table, l’obsession soudaine d’écrire sur un rite initiatique gabonais dans À bras le Corps, la relecture de mon journal tenu à l’âge de 19 ans à Calcutta pour Dans la Nuit Aussi le Ciel.

Avez-vous des rituels d’écriture ? Pouvez-vous nous dire ce temps suspendu de « quand on écrit »

Non, je ne peux pas dire que j’ai des rituels si ce n’est l’heure où je commence à écrire et qui tourne toujours autour de 15h. L’autre rituel, si tant est qu’on puisse l’appeler ainsi, c’est l’absolue nécessité de travailler en vase clos. En revanche, dès lors que le premier jet est sorti, je peux m’ouvrir au monde et me retrouver à la terrasse d’un café à ciseler un chapitre.

Quand vous lisez, vous êtes où, vous êtes qui ? Que se passe-t-il alors ?

J’aime lire avant de m’endormir ou alors, certains après-midi, chez moi, dans mon salon, assise par terre le dos contre le radiateur, ou encore sur une chaise, le livre posé sur la table. Plus rarement, en boule dans le canapé… À certains moments, je suis la lectrice pur jus qui savoure chaque page avec l’excitation d’une gosse.
Et aussi, je suis l’écrivain qui cherche, dans la langue de l’autre, une brèche, une avancée, un défi qui me propulse.

Si vous deviez être une phrase quelle serait-elle ?

« Le vert amour des paradis enfantines. »

Racontez-nous votre Il était une fois… une maison d’écrivains

Il était une fois une maison accrochée à la lumière du monde
Un triangle noir gorgé d’étoiles, un grand jardin, une chaise, deux hamacs.
Et tout, là-bas, sous les vieux arbres, une table au bois usé par l’eau des pluies mais aussi peut-être par les fées ou quelques âmes errantes.
Celle de ma mère tout juste morte ?
Partout des pierres, des brindilles sèches. Des papillons de nuit, du vert de feuilles, de mousses et d’herbe, un horizon qui me traverse.
Il était une fois ce lieu qui s’engouffre. Sa beauté âpre.
Epée de feu dans mon regard et en travers ce trou en moi. La perte.
Epée de relevailles et de lumière.

Aux mots nature et horizon, à celui de Lot ou Occitanie, par quels mots répondez-vous ?

Nature indomptée. Falaises infranchissables. Démesure du sec et des parois. Il y a quelque chose d’hostile et de souverain ici. Au détour d’une route qui semble avoir été oubliée des hommes, je croise l’œil d’un loir puis, celui d’un très jeune chevreuil qui, stupéfait, reste longtemps à me fixer. Où suis-je ? Calcaire d’une blancheur aveuglante, forêts, villages suspendus dans le vide. Cela surgit de partout, et pourtant, c’est comme inatteignable. Descente vertigineuse. A chaque virage, l’horizon s’ouvre. Brutal. Ici, je l’ai très vite compris, ce territoire ne s’offre pas à qui veut. Je vais devoir en trouver la porte. Les eaux sont la réponse. La clarté bleu sombre du Lot et du Célé qui, depuis un temps immémorial, ondoient dans ce royaume. L’ensemençant, l’adoucissant. Lui, le si pur. Le si vertical. Alors, je plonge. Et dans les eaux glacées sans âge, c’est comme rejoindre le mystère très nu de ce pays farouche. Sa tendresse intouchée. Vivante. Main d’éternité qui, sous la pierre, m’empoigne et nous console et dont l’empreinte – l’amour ? – se peut encore voir, là-bas, et qu’un homme a laissé tout au fond d’une grotte.

Vous ferez quoi Tiffany Tavernier quand vous serez grande ?

Je rejoindrai la totalité de l’enfant que je suis.