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Maison d'écrivains (le Blog)

A livre ouvert avec Sylvia Rozelier

A livre ouvert avec Sylvia Rozelier

Après trois romans publiés aux éditions Le Passage, Sylvia Rozelier se lance à la poursuite des mots du poète Henri Michaux dans Poteaux d’angle tant il est vrai qu’ils pourraient figurer en exergue de son prochain roman en Terre de Feu.
« Si tu traces une route, attention, tu auras du mal à revenir à l’étendue. »



Copyright Olivier Gautreau

Racontez-nous où commence un livre

Dans un écho, un éclat, une lumière, une phrase, la phrase. Celle qui lance les autres. Ça fait du bruit, ça gueule plus fort, ça grossit, ça parle en soi. A l’intérieur, à l’antérieur. Pour moi, ça vient du ventre. Du cerveau émotionnel, c’est tout sauf rationnel. C’est après que ça le devient, quand et si ça advient, devient. Un livre, c’est d’abord une émotion, une sensation, des images.

Avez-vous des rituels d’écriture ? Pouvez-vous nous dire ce temps suspendu de « quand on écrit »

Longtemps j’ai écrit la nuit, entre 21 heures et deux heures du matin. Je travaillais le jour, j’écrivais quand la ville s’endormait, quand elle était rendue à elle-même, à la pudeur et au silence. Il y a une texture particulière la nuit, une qualité de silence propice à l’écriture, à entrer en soi. Je buvais des litres de thé et j’écrivais. Depuis deux ans, j’écris « à plein  temps », j’écris le jour. J’ai remplacé le thé par le café.

Quand vous lisez, vous êtes où, vous êtes qui ? Que se passe-t-il alors ?

Je lis chez moi, dans mon lit. Mais aussi dans la rue, le métro, le bus. Ainsi, les livres sont associés à des lieux, La peau de chagrin aux Cévennes où je l’ai lu et où il a fini par tomber dans la rivière. Les livres m’accompagnent partout. Je me souviens d’avoir lu il y a quelques années, sous la plume de Richard Millet, un texte sur les conditions de la lecture. Il s’étonnait pour ne pas dire qu’il réprouvait qu’on puisse lire « n’importe où », de manière frivole en quelque sorte, sans respect pour l’acte de lire. Lire, ce serait comme entrer en religion, sacré. Peut-être. Si c’est le cas, disons alors que je ne réduis pas le sacré au confort du canapé ou de l’alcôve. Je lis différemment selon que j’ai à rendre compte de ma lecture ( écrire un article ) ou pour moi seule. Alors, je me tiens sur la ligne de crête, entre l’univers de l’autre, et sa voix, dans lesquels basculer et le miroir qu’il me renvoie, ce qu’il révèle de moi ( ce que les livres font de nous). Entre ces deux pôles, en équilibre, allant de l’un à l’autre. Ce va-et-vient.

Si vous deviez être une phrase quelle serait-elle ?

Celle qui pourrait figurer en exergue de mon prochain roman « Si tu traces une route, attention, tu auras du mal à revenir à l’étendue » Henri Michaux dans Poteaux d’angle.

Racontez-nous votre Il était une fois… une maison d’écrivains

Il était une fois la maison De Pure Fiction bien sûr. Une maison. Des écrivains. Ceux qui sont passés par là, m’ont précédée. Marcher dans leur pas. Sur le sentier en contrebas. Leurs livres sur les étagères derrière le grand bureau. Présence-absence dans le dos, à la fois intimidante presqu’écrasante, rassurante aussi. Le sentiment, non pas d’appartenir à une famille, mais d’être un lien en ce lieu. D’un fil.

Aux mots nature et horizon, à celui de Lot ou Occitanie, par quels mots répondez-vous ?

Avant, j’aurais répondu, Rocamadour, langue d’oc, troubadours et poètes, plus près de nous, Serge Joncour qui m’a fait découvrir son pays de « cocagne ». Aujourd’hui, d’autres mots, des images, des souvenirs de promenade. Gouffres et grottes. Falaises entre lesquelles sinue un fleuve, le Lot, noir d’encre en hiver, insondable comme l’âme. Le lieu pour disparaître, scène idéale de polar. Les mots lichen et pierrailles, chênes verts et mousse, voûte céleste, nuit étoilée, nature souveraine. Le lieu où se rejoindre, se sentir reliée donc, à la nature et aux mots. «  Pré carré pollens écailles moroses garrigue autour. Le ciel partout » – Joël Baqué – Un parmi ceux que j’ai lu ici. Entre les deux, le passé et le présent, le mot langue comme un trait d’union.

Vous ferez quoi Patrice Lelorain quand vous serez grand ?

Je ne serais pas présidente, ni pompier ni vétérinaire. Quand je serais grande, je serai «  écrivaine », ce que j’écrivais quand j’étais « petite » sur les fiches de renseignements qu’on devait remplir à l’école. Quand je serai grande, j’essaierai de ne pas décevoir mes rêves d’enfant.