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Maison d'écrivains (le Blog)

A livre ouvert avec Hélène Gaudy

A livre ouvert avec Hélène Gaudy

Avec Un Monde sans rivage à paraître chez Babel, Hélène Gaudy écrit un livre un voyage au long cours. Il s’agit de ciel et d’un pôle, de cette boussole, l’aventure. Qui prolonge trois vies, quatre avec celle d’une femme qui aime.



Crédit photo Bruno Dubreuil

Racontez-nous où commence un livre

Il y a tout ce qu’on attrape du monde, qui se sédimente quelque part avant de resurgir dans une rencontre : très souvent, pour moi, c’est celle d’un lieu. Ce qui dormait là, au fond, ce qui me tiraillait en attendant de trouver une forme, vient rencontrer un lieu, et le livre commence.

Avez-vous des rituels d’écriture ? Pouvez-vous nous dire ce temps suspendu de « quand on écrit »

J’ai appris à écrire dans les interstices, les horaires d’école, les moments, même courts, de solitude. C’est un édifice un peu bancal mais qui tient quand je suis immergée dans un livre. Par contre, quand je suis obligée d’en sortir parce qu’il y a trop d’impératifs extérieurs, il faut un temps long pour y replonger, et c’est exactement ce qu’offre une résidence : ce temps suspendu. Mes quelques rituels visent à me permettre de devenir différentes personnes : celle qui écrit, puis celle qui se relit, et se re-relit. Il faut qu’elles soient suffisamment différentes de celle qui écrit pour déceler ce qu’elle n’a pas vu. Pour ça, j’adopte des stratégies très prosaïques : je varie les formats, pages imprimées, texte lu en pdf sur un téléphone, et à chaque fois que je tombe sur un os, c’est-à-dire, souvent, je retourne à mon bureau. J’ai besoin de faire, au sens propre, ces allers et retours : se lever, se déplacer, changer de format, se dédoubler.

Quand vous lisez, vous êtes où, vous êtes qui ? Que se passe-t-il alors ?

Lire me demande de la concentration, d’autant que je lis lentement. Je m’absente, et comme je ne peux pas m’absenter trop longtemps, je lis sur de courtes périodes, mais intenses. Il y a une partie de moi qui voit, et une autre qui écoute — le rythme, la langue. Parfois l’une prend le pas sur l’autre, d’autres fois les deux sont totalement accordées et alors cela paraît facile, comme une danse parfaite semble désarmante de simplicité. Ces moments-là font naître le désir, joyeux et impérieux, d’écrire : on n’est déjà plus la personne qui lit, mais celle qui écrit !

Si vous deviez être une phrase quelle serait-elle ?

Je suis toujours incapable d’isoler un mot, une phrase, et je n’aime pas tellement les citations, ou alors quand on les frotte à autre chose. Je n’en connais aucune par cœur mais j’ai quelque part, avec moi, cette phrase de Perec : L’espace est un doute : il faut sans cesse le marquer, le désigner ; il n’est jamais à moi, il ne m’est jamais donné, il faut que j’en fasse la conquête.

Racontez-nous votre Il était une fois… une maison d’écrivains

Une maison ouverte sur l’extérieur, qui protège et révèle à la fois. Une maison comme un appareil photo, qui allie la chambre noire et le panorama. Une maison où on ne se sent jamais enfermé, mais où on peut relâcher la vigilance. Une maison où on voit les étoiles mieux qu’ailleurs, et où on cherche les chevreuils…

Aux mots nature et horizon, à celui de Lot ou Occitanie, par quels mots répondez-vous ?

Le Lot, c’est un souvenir de jeunesse : un voyage d’hiver, dans un tout petit village où j’avais été marquée par la variété des mousses qui couvraient les arbres, leur texture, leurs couleurs. Je pensais que c’était le temps, la mauvaise mémoire, le poids de ce souvenir qui avait fabriqué ces images mais je les ai retrouvées, ici, dès que je suis arrivée. Il y a une rudesse du paysage qui est aussi une douceur, c’est très rare. Quelque chose de minéral – parfois on est presque en Irlande, en Bretagne – et en même temps une verdeur, une épaisseur. On s’y sent inclus mais sans jamais de mollesse, de lourdeur.

Vous ferez quoi Hélène Gaudy quand vous serez grande ?

Ce que je voulais faire quand j’étais petite : écrire et regarder.