A livre ouvert avec Cécile Guidot
De la nuit mate
De la ouate des rêves
Viennent les premiers mots.
Ceux de Cécile Guidot à l’issue de sa résidence d’écriture De Pure Fiction pour un prochain roman après sa trilogie addictive commencée avec Les actes.
Racontez-nous où commence un livre
Il vient d’une image qui reste dans la tête et grandit, ça peut être un regard ou une silhouette ou un trait de lumière sur un trottoir, un paysage, une maison aperçue à travers la vitre d’un train. L’image tire un fil oublié de ma mémoire et l’histoire se tresse mystérieusement entre cette image fixe du réel et ma mémoire.
Avez-vous des rituels d’écriture ? Pouvez-vous nous dire ce temps suspendu de « quand on écrit »
Je me réveille entre six et sept heures du matin, le café est mon premier geste, l’écriture le deuxième, je m’assieds à la grande table de la salle à manger dans le silence de l’appartement encore endormi et j’écris sur mon ordinateur portable, juste sortie des rêves. J’écris presque tous les jours mon roman en cours, j’ai presque toujours un roman en cours, ou mon journal.
La plupart du temps, je ne suis pas dans un temps suspendu, j’ai bien conscience que j’écris, c’est difficile et c’est une lutte pour ne pas quitter ma table de travail. Parfois, c’est rare, l’écriture me dépasse, elle va plus vite que ma main, elle se détache de moi comme dans un état de transe, c’est cet état-là qu’on espère toujours retrouver.
Quand vous lisez, vous êtes où, vous êtes qui ? Que se passe-t-il alors ?
Quand je lis je suis partie, je deviens l’autre, c’est l’infini plaisir de la lecture, d’être d’autres cœurs, de vivre d’autres vies.
Si vous deviez être une phrase quelle serait-elle ?
« Impose ta chance, serre ton bonheur, et va vers ton risque. A te regarder, ils s’habitueront », Les Matinaux, René Char.
Racontez-nous votre Il était une fois… une maison d’écrivains
Il était une fois, ma première, dans une maison pleine de livres, dans un hameau sur un causse du Quercy, au-dessus de la brume, et dans le ciel, entre des chemins de pierre parcourus à pied et en courant, admirant la rosée tissant des toiles sur les hautes herbes, écoutant les oiseaux, longeant la vallée vertigineuse, guettant, guettée par les grands animaux, il était un rêve où je ne faisais qu’écrire, lire, regarder des films et courir, il était une maison d’écrivains appelée la Maison de Pure Fiction où le rêve est devenu réalité.
Aux mots nature et horizon, à celui de Lot ou Occitanie, par quels mots répondez-vous ?
Je suis une enfant de la nature. L’écriture est née dans mon enfance solitaire et très libre, presque sauvage, dans les mondes imaginaires que je m’inventais dans la ferme de mon père, au bord de la rivière, dans les bois, dans mes cabanes dans les arbres, avec les animaux. Ma vie intérieure, ma mythologie personnelle vient de cette enfance-là. Ensuite, la vie urbaine que j’ai choisie, Paris, mes voyages, mon ancien métier de notaire, ont participé de ma construction. Et je continue d’évoluer, je suis en mouvement. Revenir à la nature, c’est retrouver mon enfance, voir l’horizon, c’est imaginer mon futur.
Le lot et l’Occitanie étaient vierges, c’est une découverte, c’est très différent de mes plaines bourguignonnes ; sur ce causse du Quercy où se situe la maison De Pure Fiction, on est comme sur le toit du monde, au-dessus de la brume, près des étoiles.
Vous ferez quoi Cécile Guidot quand vous serez grande ?
J’ai exercé un autre métier avant, ma vie d’écrivain s’ouvre, je veux écrire encore et toujours, comme un laboureur trace son sillon.