Ces baisers rageurs du lichen…
Cécile Balavoine
lors de sa résidence à la maison De Pure Fiction
Au retour de ces premières promenades, fourbue, je me laissais amadouer par le coucou, le pic-vert, et à la nuit tombée par la chouette, les étoiles, les écoutant, les contemplant. Je paressais, en somme, remettant à plus tard. Seulement plus tard, imperceptiblement, le chèvrefeuille a laissé place au pois de senteur, le pois de senteur à la lavande, la lavande aux clématites sauvages. Et la prunelle, l’âpre prunelle s’est substituée à la merise, rouge et gorgée de sucre, le grillon au coucou railleur, tous deux d’inlassables chanteurs. Il n’y a que le chevreuil, fidèle visiteur du matin, qui n’ait jamais cédé son territoire, sinon au lièvre ne sortant qu’aux soirs pluvieux. Et puis les calvaires, dressés entre la ferme et le pigeonnier aux volets bleus, depuis 1763, date qu’on devine du bout du doigt plus que de l’œil, à la base de certaines croix. Ils se sont embellis, j’en suis sûre, au fil des siècles, mordus de jaune, de gris ou d’orangé, de ces baisers rageurs du lichen.