Je ne parle pas le kituba…
Arno Bertina
lors de sa résidence d’écriture à la maison De Pure Fiction pour son prochain récit aux éditions Verticales
Si elles n’écrivent pas, peut-être pourront-elles se confier… ? Mais je ne parle pas le kituba, malheureusement. Ce sera donc en français, nous avons cette langue en commun. Mais quel lien suis-je en train de construire si c’est à elles de s’adapter ? Ce qu’elles vivent la nuit, dans les lieux où elles se prostituent, elles ne le vivent pas en Français. Elles ne pourront donc se confier qu’au prix d’un effort de traduction. Certes elles sont bilingues, mais si la nuit se vit dans une langue, et les rapports avec les professeurs ou la police dans une autre, le français, c’est toute une gamme de mots qui leur fait défaut dans une langue comme dans l’autre, et partant la possibilité d’exprimer certaines émotions (« De combien de mots disposes tu en français pour dire le rire ? ») ou la différence entre l’inquiétude et l’effroi, entre une blessure profonde et une blessure superficielle.