Dix mandarines, un fond de tristesse, 4 citrons, 3 oignons…
Paola Pigani
lors de sa résidence d’écriture à la maison De Pure Fiction
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Le bon gré et l’ivresse
Chaque jour commence à ma fenêtre
Chaque page également
Les degrés de lumière sont les degrés de l’écriture
J’aime écrire sans lampe
Dans la confiance des yeux et du cœur
A la nuit tombée je prépare une soupe, fais cuire le pain, casse des noix
La radio vient remplir la cuisine puis Internet
Je n’ai plus une minute à moi
Je danse en écoutant Tokyo Kiss
Au mitan de ma retraite d’écriture, je fais l’inventaire de ce qui me reste pour tenir jusqu’à la fin: un bol de sel marin, 3 sachets de levure,1kg500 de farine pour le pain, 500 gr de riz, 2 boites de sardines portugaises, une plaque de chocolat noir, 12 figues sèches, 2 fromages de chèvre, 4 œufs, un paquet de Pueblo, un pain de savon d’Alep, des noix, 4 pommes, 10 mandarines, un fond de tristesse, 4 citrons, 3 oignons, du sucre roux, 5 pommes de terre, 2 carottes, 250 gr polenta, 500 gr spaghetti, un bloc de parmesan, le manque de toi, 300 gr flocons d’avoine, 1/2 paquet de café, un pot de coulis de tomates, un fond de miel, un pot de gelée de coing, 18 noix, des livres : Erri de Luca, Octavio Paz, Guillevic, Marcus Malte, Joseph Conrad, Pierre Bergounioux, Didier Daeninckx, René Guy Cadou, un demi litre d’huile de noix, du bleu des causses. Depuis mon arrivée, j’ai jeté 2 stylos, brûlé un demi carnet de papier d’Arménie, lu des livres de femme, cassé un verre. Je n’ai plus de feuilles blanches.
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Je découvre
Le bal des buis
Leurs accolades
Des murs doux comme des corps endormis
Couverts de mousse verte
J’aimerais avoir les cheveux couleur de lichen
Mais ils sont comme les feuilles de chêne en hiver
Je me fonds dans leur empire.
12 /
Les mots du respire
Au petit matin
Les arbres pleurent au soleil
Leur givre de nuit
Je ne sais pas ce qui s’égoutte
Le soleil, le temps
La patience d’être
La douceur d’exister
Il me faudra chercher les mots du respire.