Cet art du divertissement qu’a le droit d’être la lecture !
Alexandre Dumas – Le comte de Monte Cristo – Editions La Pléiade
Le voilà retrouvé ! Jamais oublié, jamais loin, Edmond Dantés toujours plus grand, Monte Cristo toujours plus obscur, le comte qui est tous les contes. Un homme de pure fiction et combien on s’en régale. Le romanesque à son apogée tant il est vrai que le généreux Alexandre Dumas et ses nègres ont le don de la magnificence. Débauche de chapitres, d’histoires dans l’histoire, et même dans l’Histoire. Le lecteur est esprit et yeux liés à tout ce qui se trame, se dénoue, s’offre : la vie d’un homme ressuscité, revenu d’entre les morts pour se venger. L’abbé Faria contre Villefort, Danglars et Fernand le voleur de Mercedes. Défiant le temps, les générations, les modes, les engouements, ce livre atteint mieux que tout autre cet art du divertissement qu’a le droit d’être la lecture ! Quand elle est trempée de la meilleure encre comme ici. « Le vieux prisonnier était un de ces hommes dont la conversation, comme celle des gens qui ont beaucoup souffert, contient des enseignements nombreux et renferme un intérêt soutenu ; mais elle n’était pas égoïste, et ce malheureux ne parlait jamais de ses malheurs… Dantès comprit le bonheur qu’il y aurait pour une organisation intelligente à suivre cet esprit élevé sur les hauteurs morales, philosophiques ou sociales sur lesquelles il avait l’habitude de se jouer… Apprendre n’est pas savoir ; il y a les sachants et les savants : c’est la mémoire qui fait les uns, c’est la philosophie qui fait les autres. » Bien avant Hitchcock, le romancier met en scène son suspens, il s’intéresse davantage à ce qui précède chaque dénouement d’une aventure généreuse en rebondissements, il prend des chemins de traverse, brode et c’est somptueux. Virtuose qui nous happe, nous enchante, et l’on peut bien attendre et espérer un millier de pages, savoir que la vengeance est un plat qui se mange froid, celle-là de vengeance qui prend son temps, prête à faucher des innocents pour atteindre son but : rendre la souffrance. Qu’elle soit irrévocable, implacable, plus longue que toutes les agonies. On applaudit, on salut bas, et… on retourne au premier chapitre. Jusqu’à ce que mort s’ensuive !
Alexandre Dumas – Le comte de Monte Cristo – Editions La Pléiade