Cernées de sang ces femmes s’alarment du mauvais sort…
Jean Giono – Deux cavaliers de l’orage – Editions Folio
Il n’est décidément pas un autre que Giono pour à ce point étreindre le vent et l’écorce, les eaux profondes des torrents ; la tempête couche les arbres et les bêtes, elle brouille les chemins, fouette des ombres, enferme toute velléité de douceur. A l’image d’un cyclone cette tempête a son oeil, et il s’est logé dans la tête de Marceau, le fils aîné. ENORME Marceau, tout en muscle, tout en appétit, qui passe en force où qu’il aille, quoi qu’il fasse, et c’est aussi en force qu’il aime son jeune frère Mon Cadet. Le premier, Marceau, est dominé par sa passion, il n’y réfléchit pas, il s’y abandonne, s’en repaît. Le second, Mon cadet, domine, sans le vouloir d’abord. Les deux frères s’adorent sans limite, sans réserve, sans crainte aucune.
Pendant l’une de leurs chevauchées dans un chapitre de dialogues inouïs leurs épouses et leur mère préparent la viande, cernées de sang elles s’alarment du mauvais sort, elles ont pressenti que l’amour affamé de Marceau pour Mon Cadet, un jour les foudroiera. « Il est mort de la vie qui a refusé d’aller plus loin. » Encore une histoire que seule la langue de l’immense Giono semblaient à même de conter. Chaque page, chaque geste est une bagarre, et l’écrivain excelle à tordre les mots, à les écarteler, à les retailler, il invente une prose qui nous réinvente nous lecteur, on est sonné, on est « baba », conquis. Et la stupeur s’ancre en nous qui agrandit jusqu’aux confins… de la littérature.
Jean Giono – Deux cavaliers de l’orage – Editions Folio