La danseuse de Degas…
La petite danseuse de quatorze ans
Camille Laurens – Editions Stock
Camille Laurens s’empare de la vie de la jeune fille – toute jeune fille – Marie Geneviève Van Goethem, et de celle d’Edgar Degas, pour écrire un merveilleux essai/document/récit/ de ces deux vies entremêlées. Son livre fera le bonheur de tous ceux admirant la sculpture de Degas ayant pour modèle la jeune Marie, oeuvre d’art fameuse mais dont on savait si peu jusqu’à présent. Ce texte retrace la vie d’une enfant à peine sortie de l’enfance et déjà vouée à une vie de misère. Fille d’une mère blanchisseuse et d’un père tailleur tous les deux venus de Belgique pour fuir la pauvreté et qui la retrouveront identique à Paris. Marie est la cadette de trois sœurs, une seule des trois aura un destin souriant, devenant maître de ballet.
La mère « vend » – pratique courante alors – ses filles à l’Opéra de Paris à des messieurs riches à même de les entretenir et leur permettre de rapporter quelque argent à la maison. Marie entre ainsi comme petit rat à l’Opéra de Paris, Degas la repère et lui demande de poser pour lui. Elle accepte, les revenus de la pose étant un peu supérieur à ceux de l’apprentissage de la danse mais, manquant les cours de danse, elle se fait renvoyer.
Camille Laurens prête vie à la jeune fille, retrace son existence, essaye de combler les trous et entrelace la vie de Degas à cette Marie ressuscitée. Elle nous raconte ce grand artiste dont le talent s’exprime dans la sculpture, et qui devra délaisser en partie la peinture suite à une baisse d’acuité visuelle. Degas demande à la jeune Marie de poser des heures, il multiplie les esquisses, les dessins, les mesures, travaille sans relâche pour donner à cette petite danseuse vie et mort dans un même mouvement. Cette danseuse de quatorze ans est connue du monde entier, reproduite à l’infini, et pourtant Marie est retournée à l’anonymat dont Degas l’a sortie uniquement sous la forme d’une sculpture. On ne sait même pas ni quand ni où elle est morte. Elle disparait. Plus aucune trace d’elle, Degas n’aura pas vu en elle une à aider, à soutenir, accompagner. Elle fut uniquement pour lui un modèle transformé au gré de l’imagination de l’artiste, traduite pour l’éternité dans la moue simiesque que nous lui connaissons. Cependant en dépit de sa misogynie Degas apparaît ici attachant. Un texte émouvant soutenu par le style d’un écrivain accompli. On s’attache à Marie et à l’arrière-grand-mère de l’auteure qui entre dans le texte et l’achève.
La petite danseuse de quatorze ans – Camille Laurens – Editions Stock