Tous ces êtres d’exception avalés par l’Histoire…

L’odeur de la forêt
Hélène Gestern – Editions Arléa

Elisabeth Bathori, historienne de la photographie, se voit confier un fond d’archives photographiques par une inconnue, Alix de Chalendar. Ce fond regroupe les lettres et photographies d’un lieutenant mort en 1916 sur le front, Alban de Willecot.

Elles sont adressées à son ami, un des poètes français les plus célèbres, Anatole Massis. Quelque temps plus tard, Alix décède et fait d’Elisabeth l’héritière d’une de ses propriétés à Jaligny. Elisabeth, sort de deux années éprouvantes après le décès de l’homme qu’elle aimait. Afin de tenir sa douleur à distance, elle se plonge dans l’étude de ces photos et apprivoise la grande maison de Jaligny, son parc, sa forêt ; surtout, elle entre dans l’intimité de ces êtres oubliés, dont elle lit la correspondance et les journaux intimes. Elle découvre alors au fil d’une minutieuse enquête historique, littéraire et humaine qui l’amènera à Lisbonne, en Suisse, et en Bretagne que les deux amis Alban de Willecot et Anatole Massis avaient un dessein politique : rendre compte des horreurs de la guerre, mais aussi dénoncer les exécutions abusives de soldats français accusés à tort de désertion, insubordination ou refus de combattre. Elisabeth va alors croiser le chemin d’un homme dont elle tombe éperdument amoureuse. Veuf lui aussi, dans des conditions étranges, et plus inapte à l’amour qu’il ne le paraissait. Elisabeth devra finalement renoncer à cette histoire pour ne pas davantage se blesser. Mais elle s’engagera avec encore plus de détermination à sortir de l’ombre la vérité, les espoirs et les drames intimes d’Alban, Anatole, Diane, Jeanne et plus tard sous l’occupation, de Tamara, Paul et tant d’autres, tous ces disparus au destin tragique, qui lui sont devenus chers. C’est ainsi que cent ans plus tard, Elisabeth redonne vie à ces êtres d’exception avalés par l’Histoire.

On lit avec autant d’émotions que de suspense. La finesse de l’écriture, l’intelligence et la sensibilité de l’héroïne, l’enquête haletante pour exhumer les secrets enfouis d’hommes et de femmes aux destins tragiques, happent le lecteur. Construit avec de courts chapitres où alternent les époques, mais également les formes avec des lettres ou des extraits de journaux intimes, on avance dans ce roman avec autant de plaisir et d’intérêt pour chaque période et chaque intrigue, finalement toutes liées entre elles par la force de l’amour et de la mémoire.

L’odeur de la forêt – Hélène Gestern – Editions Arléa