Une longue couverture d’arbres et de roches…
Cécile Coulon
lors de sa résidence d’écriture à la maison De Pure Fiction
Le matin, il y avait ce moment où je n’étais pas capable de rester plus d’une heure à mon bureau pour travailler. Malgré la vue sublime, la soleil cognant gentiment contre la vitre et les oiseaux dans les arbres, mes jambes gigotaient sous la table. L’heure d’aller courir. Maintenant. Tout laisser en plan, et partir, pendant une heure ou plus, sur les chemins environnants, avaler des kilomètres sans les compter, croiser d’abord les chevreuils qui bondissent au-dessus des murets et filent se cacher dans les arbres, se tordre les pieds sur les cailloux en travers du chemin, avancer, en soufflant un peu à cause de la pente, et s’enfoncer loin dans le ventre de la terre, dans la boue, la poussière et l’herbe mouillée. Faire un signe aux chasseurs postés aux bords de la route, avancer, toujours, les chaussures pleine de boue, les chaussettes trempées, regarder autour de soi le paysage qui s’étend, comme une longue couverture d’arbres et de roches, ne pas penser à revenir, ne plus sentir la fatigue, et se laisser happer, comme un pépin, sans ambition, sans importance. Se laisser happer par la beauté, rien de plus.