Orage et coup de foudre…
Léa Lescure
lors de sa résidence d’écriture à la maison De Pure Fiction
Il y a eu un orage hier soir, ici face aux fenêtres de la maison De Pure Fiction. Un bel orage plein de spasmes de foudre dessinant un collier aux nuages en bord de trombes, ou picotant la terre entre les arbres vert sombre. Par jeu de persistance rétinienne, chacun des éclairs offrait après eux leur négatif violacé tirant sur le rose, en raison sans doute des dernières lumières du soleil finissant. Au loin, là où la foudre avait déjà passé, quelques nuages dégoulinaient d’eux-mêmes en empreintes estompées, comme pour mieux s’ouvrir à leur pluie qui battait. Après la vallée, en haut, la ligne de crête et le ciel gris bleu s’entrouvraient à l’horizontale pour laisser échapper un filet si blanc qu’on pouvait s’en servir comme outil hallucinatoire. Il suffisait de se focaliser sur un point fixe et, concentrant fort le regard pour déformer sa vue tout autour, on croyait voir les derniers sommets et leur neige éternelle, ou l’écume dominante d’une mer intranquille. C’était vertigineux, plein de l’ivresse de ne plus bien savoir à quel niveau de terre on se tient. Quand le filet blanc a disparu – que la neige fondit, que la mer s’apaisa – les oiseaux sont revenus chanter malgré la pluie, tandis qu’à l’intérieur, quelques mouches désorientées copulaient frénétiquement à trois ou à quatre en se cognant aux meubles.