Sur les plages à la mine…
Le jeu du pendu
Aline Kiner – Editions Liana Lévi
C’est le premier livre d’Aline Kiner et c’est une réussite. Roman noir, roman social, une histoire pleine de failles et de terrils, de rancoeurs recuites autour d’un mystère qui remonte à la dernière guerre. Avec son couple de flics charmants enquêtant sur des jeunes filles qui disparaissent avalées par la boue.
Le jeu du pendu c’est aussi peut-être d’abord une auteure qui se joue des lois d’un genre, le polar, pour écrire un roman des origines et raconter une terre de son enfance, la Moselle, avec chevillées à l’âme, des racines malmenées car grandies dans un paysage minier qui s’effondre. « Il avait besoin d’être là, au plus près de la terre. Il savait. Tout son corps savait. Pendant trente ans, il avait réagi au moindre craquement, au moindre souffle, au plus léger filet de poussière tombé du plafond. Les sens se mettait à l’écoute de la mine, elle respirait autour de lui, elle était dans son ventre, d’un souffle elle pouvait l’écraser. »
L’eau monte dans les galeries souterraines, assaille les fondations des maisons et ce sont des villages entiers qui disparaissent, des générations de labeur et d’une misère crasse englouties. La mine leur a tout pris, des maris, des frères, des pères et elle ne leur aura même pas donné un toit. « Elle voulait voir, seulement voir une fois où son père travaillait. Mais il n’avait pas voulu. La nuit presque totale, le vacarme des engins, le froid pénétrant, l’humidité. La poussière ocre, du minerai qui leur collait à la peau et leur valait ce nom de gueules jaunes. L’odeur de la boue… quand on était imprégnée de cette odeur, jamais on ne s’en débarrassait. Elle ressortait en même temps qu’une trace jaunâtre, sur le col des chemises blanches qu’on portait en été. »
Le jeu du pendu – Aline Kiner – Editions Liana Lévi