Il est un pays de légende et de cauchemars…
Azadi
Saïdeh Pakravan – Editions Belfond
Singulier roman que celui-là. On n’y entre pas facilement et puis on finit par s’attacher à ces hommes et ces femmes vivant à Téhéran, soumis ou en colère, défaitistes ou révoltés face à des dirigeants corrompus, des élections truquées, une répression féroce et aveugle des manifestations, des crimes impunis dans des prisons aux murs rougis de sang. « Cet homme dont le visage revient dans mes cauchemars, qui fera désormais toujours partie de ma vie, qui m’a montré ce qu’il peut y avoir de pire chez un être humain, a peur. Je voudrais lui transmettre quelque chose dans cet échange de regards mais je ne sais pas quoi, aux prises comme je suis avec tant d’émotions contradictoires, mon coeur éclatant de chagrin pour moi-même mais aussi pour lui, et pour l’autre garde, et pour le troisième qui s’est donné la mort. Je n’ai jamais compris la violence ni l’humiliation. Qu’est-ce que je pourrai transmettre là sinon ma terrible tristesse de tout ce gâchis de nos vies à tous? »
A mesure de la lecture, ce texte exerce un envoûtement, on n’a pas bougé de notre fauteuil et une civilisation longtemps parmi les plus subtiles et raffinées nous est donnée dans ses méandres et ses contradictions. Les protagonistes de cette histoire vont prendre la parole tour à tour tissant un lien avec le lecteur et une attente.
D’abord il y a Raha, la jeune fille dont le destin bascule et qui lutte pour que justice soit faite. Il y a Hossein, attaché au gouvernement et qui doute, la pureté d’Hossein oppose à ceux qui l’emploient une résistance que rien ne peut entamer car elle a la force de l’innocence dans un pays où les innocents succombent ou reculent, baissant l’échine devant l’inique, faute de liberté.
Il y a aussi les ancêtres, le passé et une culture quand l’islam en Iran n’était pas alors tordu par une république islamiste ennemie des arts et de la beauté.
Azadi – Saïdeh Pakravan – Editions Belfond