L’inhumaine humanité…
Viol, une histoire d’amour
Joyce Carol Oates – Editions Point Seuil
Explorant l’œuvre prolifique et les ramifications d’un auteur contemporain comme il y en a peu, on ouvre ce texte happé par son titre. Sa force tient dans sa scansion, il est comme un chant maléfique et pourrait sortir d’une de ces sirènes que la petite fille de cette histoire n’aime pas parce qu’elles lui font peur à ne pas être assez humaines. Ce n’est pas elle qui sera violée mais sa mère Tina Maguire. Elle est de ces femmes qui ressemblent à un applaudissement et elle va le payer très cher.
En quelques traits saillants pour la décrire, l’écrivain en fait notre soeur : « Sa peau, dont on sentait la chaleur brûlante si on la touchait. Ses grands éclats de rire surpris comme du verre qui se brise. » Sa mélancolie-heureuse qui vous monte à la gorge. Sa petite fille, douze ans lorsqu’elle échappe de peu au viol y assiste terrorisée sans même comprendre exactement ce que l’on fait à sa mère, laissée pour morte par une meute trop nombreuse pour en compter les ordures qui la composent.
L’histoire d’amour est celle de cette enfant pour le flic qui les trouvera rescapées d’un massacre et, tentera de les protéger de la vindicte populaire parce que bien sûr… elles l’ont bien cherché, ça leur pendait au nez, telle mère telle fille dans cette famille. Deux femmes on ne peut plus dignes et aimantes douées pour l’allégresse avant le drame. « Tu n’aimerais jamais aucun de ces hommes avec autant d’ardeur et de désespoir que tu avais aimé Dromoor à l’adolescence. Ce n’est que des années plus tard que tu comprendrais : je l’aimais aussi pour maman. Parce qu’elle ne le pouvait. Cela avait donc été un amour double. Dangereusement aiguisé, comme un couteau à double tranchant. »
Toute l’histoire est habilement tricotée, subtilement livrée au lecteur. On est dans l’os d’un texte qui ne fait pas de sentiments même s’il en est plein et ils nous débordent. On est dans la tragédie et quand elle est advenue, on la redoute encore. Elle ne vous laissera pas indemne.
Viol, une histoire d’amour – Joyce Carol Oates – Editions Point Seuil