Les remugles d’une peur muette et criante…
Big Brother
Lionel Shriver – Editions Belfond
Lionel Shriver s’y entend pour déranger son monde, gratter où cela blesse. Avec Il faut qu’on parle de Kevin, elle a écrit comme personne, la peur de son enfant, l’effroi face à un monstre que l’on a porté, que l’on nourrit et que l’on observe grandir, mesurant l’ombre et le danger de celui que l’on redoute quand on devrait l’aimer le plus. Avec Big Brother si on est dans une autre monstruosité, plus visible, elle est tout aussi intérieure. L’obésité, cette punition de chaque jour que l’on fait à son corps aux prises avec les remugles d’une peur muette et criante. Lionel Shriver dit sans détour et crûment ce combat avec la graisse sous laquelle un coeur étouffe.
La narratrice dont on comprendra qu’elle emprunte beaucoup à l’auteure voit un jour débarquer dans son couple, un frère fort encombrant. Incapable de l’abandonner, elle va devoir quitter momentanément tout ce qui fait son cocon somme toute enviable pour cette aventure incertaine, inconfortable, sauver un frère et peut-être plus encore les souvenirs d’une petite fille… la fierté envers son grand frère; sacrément mise à mal confrontée à ce nouvel être mastodonte, envahissant, vaincu.
Va s’ensuivre un régime de tous les dangers où tour à tour, le frère et la soeur affronteront, domineront et se soumettront à leurs fantômes communs, les non dits qui sont le terreau d’une famille, son tombeau parfois.
Big Brother – Lionel Shriver – Editions Belfond