Retenir l’inflexibilité sauvage…
Jane Eyre
Charlotte Brontë – Editions La Pléiade
C’est intimidant d’écrire sur un roman qui a été tout à un moment de sa vie, et l’a traversée pour ne plus la quitter. Un roman qui serait ce qu’Alice va chercher en tombant dans son puits, et nous dit tellement qui on est, qui on reste. Une orpheline qui a rencontré le malheur bien tôt. Une jeune femme ardente fidèle à son désir d’une joie possible. De Jane Eyre, les décennies passant, on retient l’inflexibilité presque sauvage, on retient l’amitié pour Helen Burns et l’amour pour monsieur de Rochester. Chaque fois qu’on relit ces passages pendant lesquels Jane et Helen respirent ensemble, on ne veut plus avancer dans le livre, car il y a là vingt pages qui en contiennent mille; on a besoin de demeurer avec elles deux, que l’injustice ne les arrache pas l’une à l’autre. Quand à ce point deux être vous épousent, qu’importe qu’ils soient de papier, ils sont votre chair maintenant. Tout de même on continue et on rencontre monsieur de Rochester.
A le regarder, cet homme farouche et écorché, Jane Eyre éprouve un » plaisir précieux et pourtant poignant; de l’or pur avec une pointe aciéreuse de souffrance. Je connaissais le plaisir de le contrarier et l’apaiser successivement. J’aimais bien tester mon habileté au bord du précipice. » On aime comme Jane qui n’a de cesse de vouloir » étouffer l’espérance » conduit son destin, entend ce que son âme lui dicte. Dans une narration audacieuse et souveraine, Charlotte Brontë raconte si justement et mieux que tout autre, l’espoir et son invincibilité. Il n’est de ronces ni de foudre à celui ou celle qui regarde haut.
C’est cela Jane Eyre, une foi sur terre.
Jane Eyre – Charlotte Brontë – Editions La Pléiade