J’ai un coeur compatible en attente…
Réparer les vivants
Maylis de Kerangal- Editions Verticales
C’est somme toute assez rare, une urgence à lire ce livre là et pas un autre. Le roman de Maylis de Kerangal a déboulé sur les tables des libraires, dans les médias, il est en tête des ventes, primé, adoubé et pour une fois, rien d’usurpé là-dedans, la puissance de ces pages ne fait aucun doute. On lit la première phrase et nous voilà parti pour vingt-quatre heures – et tellement plus – l’unité de temps pendant laquelle l’auteure ancre et déploie son histoire ; fulgurante, terriblement cadencée, et par la mort, et par la vie. L’urgence qui se joue devient la nôtre, on lit et on respire à secondes comptées. Un jeune homme meurt mais pas exactement. Tous, parents, médecins, vont se rassembler autour de son coeur intact et condamné, sauf que peut-être…
L’écriture imprime ce rythme de l’urgence absolue qu’implique la greffe possible. C’est un bien d’accueillir l’exactitude furieuse, cependant apaisée, d’un récit qui dit l’existence dans ce qu’elle a de suprême et de défaillant, d’invincible et d’irrémédiable. « Il faudrait qu’un jour elle sache dans quel sens s’écoule le temps, s’il est linéaire ou trace les cerceaux rapides d’un hula-hoop, s’il forme des boucles, s’enroule comme la nervure d’une coquille, s’il peut prendre la forme de ce tube qui replie la vague, aspire la mer et l’univers entier dans son revers sombre, oui il faudrait qu’elle comprenne de quoi est fait le temps qui passe.» Maylis de Kerangal donne là un texte dont on peut dire avec émotion et reconnaissance qu’il est le livre du don, quand il est le plus ultime.
Chaque seconde compte pour réparer les vivants, chaque mot.
Réparer les vivants – Maylis de Kerangal- Editions Verticales