Une passion à développement durable…
Jean-Pierre Otte
Un camp retranché en France
Editions Julliard
«C’est de l’intérieur que l’on découvre alors le causse. Le remous des eaux souterraines a ramené en surface des amas de pierre blanches et gélives, regroupées à l’époque de l’épierrage des champs en cayroux, parets ou murets bordant les chemins et séparant les parcelles, avec ça et là des abris de bergers, gariottes ou cazelles, bâtis sous encorbellement par empilement de pierres sèches sans autre ciment que le silence qui vient aux lèvres.
Par définition, un causse est un plateau calcaire qui ne retient pas les eaux. poreux et perméable à merci, il fuit. la terre boit. L’eau des averses s’éclipse presque aussitôt, s’infiltre par les fissures, s’échappe par les fentes et creuse dans les entrailles de la terre des grandes salles résonantes, comme des cathédrales englouties.
Au matin tout étincelle. c’est le grand Dehors. Les lichens sur les chênes ont gonflé après la pluie, et prennent une teinte argentée en créant la féerie : les bois semblent enchantés ; ils rappellent ces bois sacrés que l’on rencontre dans les oeuvres grecques anciennes, et qui étaient des lieux de révélation, de lentes retrouvailles avec soi-même, l’occasion même d’un papotage personnel avec les dieux…
Ce plaisir qui est d’abord dans le miracle de se sentir respirer, d’éprouver sa propre pesanteur, de s’émerveiller à l’aube de la rosée en gouttes d’étain neuf dans les herbes, des jeux d’ombre et d’or dans les sous-bois et du grand charroi des étoiles au firmament, alors que continue de rôder partout sur le causse le fumet de toute origine.
Si des gîtes ont été aménagés dans des granges du causse, c’est uniquement pour accueillir ceux qui veulent faire retraite, se livrer à un travail de recherche, d’écriture ou autre, et simplement d’abord se retrouver, s’enivrer de l’air du temps et restaurer leur intimité personnelle… Une fois que le coup de foudre s’est produit, le lieu fait le lien et exerce une passion à développement durable.»