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Maison d'écrivains (le Blog)

Nager, une volupté majeure…

Nager, une volupté majeure…

Chantal Thomas – Souvenirs de la marée basse – Editions du Seuil

Tout commence ou presque à Versailles, hier et aujourd’hui, car tout est ainsi dans ce livre, tant le passé est affaire de présent. « Certes je crois au Temps, et même il me passionne, mais il ne me touche, ainsi que son principal acolyte, le Passé, que s’ils m’offrent une possibilité plus vaste, plus profonde, émouvante et vibrante, de vivre le Présent, s’ils font mieux scintiller la richesse du «tout de suite», la seule. » Versailles, donc, et les ombres fardées, fantômes d’un jadis, favorites d’un temps bien ancien sont confrontés au spectacle d’une sans corset, sans perruque, sans aucune baleine mais bien à l’eau, et qui nage en petite culotte dans un bassin où se sont enfoncées des embarcations depuis presque aussi longtemps que les augustes spectatrices des gondoles d’une Venise à peine moins englouties. Une « informe assemblée de momies effarées soudain réunies et qui, à différents étages du château, se pressent aux fenêtres, sidérées par l’extraordinaire du spectacle : une jeune fille qui nage. Qu’est-ce que cela peut être, se disent-elles, les yeux rivés sur la jeune fille aux allures de garçon, qu’éprouver une caresse qui s’insinue partout en vous, une douceur qui vous enrobe les reins avec la même attention qu’elle vous lisse les cuisses et joue avec vos lèvres ? Elles fixent du creux de leur orbite la jeune fille déliée, la créature qui, dans l’air comme dans l’eau, évolue légère. L’envie ravage ce qu’il leur reste de traits.» Chantal Thomas nous livre une mère singulière et proche, sa mère qui bien plus que ressuscitée pour nous ici, crawl à tout bout de pages. Elle ne fait pas des longueurs elle fait son horizon, elle le forge, heure après heure, jour après jour, saison après saison. Dans une langue tour à tour voluptueuse et sèche, à l’image de son personnage avide de se perdre pour se trouver, l’auteure la célèbre et l’explore, et elle va, et elle avance, et elle s’enfonce, loin, le plus loin du rivage. Là surgit Rimbaud et son « Elle est retrouvée. Quoi ? – L’Eternité. C’est la mer allée Avec le soleil. » Mais alors… Avec un soleil noir.

Chantal Thomas – Souvenirs de la marée basse – Editions du Seuil