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Maison d'écrivains (le Blog)

Ce mystère sous la peau des femmes…

Ce mystère sous la peau des femmes…

Et rien d’autre
James Salter – Editions de l’Olivier

Pour qui a lu Un bonheur parfait voilà un roman très attendu, et même un roman espéré. L’écriture de James Salter est d’une élégance souveraine, la langue y est un souffle pour dire ce qui ne se dit pas, écrire ce qui ne se raconte pas, la tessiture des émotions, le charnel des sentiments. Le désenchantement est là, partout, la grande affaire de l’existence. On est avec Fitzgerald ou dans certaines scènes des films de Sydney Pollack souvent nimbées d’une lumière dorée pour dire ce qu’il y a de sombre à naître, aimer et perdre.

Philip Bowman, le héros de Et rien d’autre va tenter de vivre, ce qui pour lui signifie ne pas renoncer trop facilement au beau jeune homme qu’il n’a jamais pu être vraiment et qu’il ne se résigne pas à regarder le quitter. Il est à la fois le chasseur et la proie de son âme. Il y a quelque chose de réjouissant à lire avec quel appétit féroce un écrivain de plus de quatre-vingt ans qui livre le roman d’une vie, la sienne, empoigne ce qui fait et défait un Homme. Ces étapes d’Une vie à brûler pour reprendre le titre d’un de ses romans précédents. Une fois encore, l’auteur parvient à exprimer l’ineffable et d’abord le lien avec celle qui nous la donne la vie. Cette empreinte laissée par la première qui nous donne tout, des pages à la fermeté douloureuse, au détachement prégnant. « La première voix qu’il eut jamais entendue, celle de sa mère, était au-delà de la mémoire, mais il se rappelait le bonheur de se blottir contre elle quand il était enfant. » Et il y a la grande affaire de Salter, le désir, la satiété du désir. « Elle était la femme qui pour une raison ou une autre, le hasard, les circonstances, n’avait pas trouvé d’homme. Désirable, pleine de vie, elle était passée à travers les mailles du filet, et le fruit était tombé par terre. Elle n’avait jamais évoqué leur avenir. Jamais prononcé le mot amour, sauf dans les moments d’extase.

Pourtant, campé devant elle, il l’avait presque dit; il s’était agenouillé et il avait presque réussi à l’exprimer, cet amour qu’il ressentait pour elle. Il n’était sûr ni d’elle ni de lui-même. Il se savait trop vieux pour se marier et ne voulait pas de ces compromis sentimentaux de l’âge mûr. Il avait trop d’expérience pour cela. Il croyait à l’amour – il y avait cru sa vie durant -, mais aujourd’hui, il était sans doute trop tard. Ils pourraient certainement continuer ainsi pour toujours comme les amants de la littérature. » On voudrait être aimé de cet homme tremblant et imparfait qui sans rien céder au temps cherche avec une constance, l’écume de la nuit, ce mystère sous la peau des femmes.

Et rien d’autre  – James Salter – Editions de l’Olivier