Menu de navigation

Maison d'écrivains (le Blog)

Tenaillé par un désir ulcérant…

Tenaillé par un désir ulcérant…

Fort comme la mort
Guy de Maupassant – Editions Folio

Il y a un peintre Olivier Bertin – tout aussi bien l’écrivain Guy de Maupassant – il y a une comtesse et sa fille. La seconde effaçant peu à peu la première. Illusion de l’inaltérable… Nous sommes avec un artiste aux prises avec une inspiration lasse, un homme tenaillé par un désir ulcérant, non pour sa vieille maîtresse mais pour la belle enfant qui la prolonge. Les quelques pages sur la défaite d’un corps qui voudrait qu’on l’aime encore n’ont pas pris une ride : « Et voilà que toutes les bonnes choses, toutes les choses douces, délicieuses, poétiques, qui embellissent et font chérir l’existence, se retiraient d’elle, parce qu’elle avait vieilli! C’était fini! Elle retrouvait pourtant encore en elle ses attendrissements de jeune fille et ses élans passionnés de jeune femme. Rien n’avait vieilli que sa chair, sa misérable peau, cette étoffe des os, peu à peu fanée, rongée comme le drap sur le bois d’un meuble. La hantise de cette décadence était attachée à elle, devenue presque une souffrance physique. Aujourd’hui, tout à coup, au lieu de constater encore paisiblement la marche lente des saisons, elle venait de découvrir et de comprendre la fuite formidable des instants. Elle avait eu la révélation subite de ce glissement de l’heure, de cette course imperceptible, affolante quand on y songe, de ce défilé infini des petites secondes pressées qui grignotent le corps et la vie des hommes… Je veux un trésor qui les contient tous, je veux la jeunesse. »

Davantage encore que cette chute des apparences, c’en est une autre, plus profonde, plus dangereuse, qui secoue le peintre. La décrépitude annoncée, il la voit mais ce qui le taraude Olivier Bertin, c’est son impuissance à se faire aimer de la jeune pousse qu’il a regardé grandir. Quand il comprend son indifférence, que jamais il ne sera pour elle la promesse qu’il aura été pour toutes les autres, ce n’est pas un miroir à facettes qu’il brisera, c’est son pauvre squelette ne renfermant plus qu’un cœur froid.

Fort comme la mort – Guy de Maupassant – Editions Folio