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Maison d'écrivains (le Blog)

Féminin plurielles et masculin singulier…

Féminin plurielles et masculin singulier…

Daniel Deronda – George Eliot – Editions Folio

Nous flattons notre imagination en rêvant de tissages nouveaux, mais pendant ce temps notre vie est sur le métier, où la passion active s’emploie à manoeuvrer la navette pour donner à nos actions le motif habituel.
George Eliot, elle, ne s’emploie à rien d’autre qu’à révéler dans les moindres et savoureux détails le duel engagé entre illusions et désillusions pour chacun de ses personnages, tour à tour convoqués pour jouer leur partition.
Les plus beaux visages d’enfants ont ce pouvoir d’introduire du sacré et nous font frissonner comme pour la première fois devant toute la grossièreté et tous les maux bassement ourdis de ce monde, car nous craignons de les voir y entrer pour les souiller. Certains enfants ont connu la première arrivée du souci, comme celle d’un invité terrible, impossible à chasser de leur tendre vie. L’ardeur que Daniel avait consacrée au monde imaginaire de ses livres se reporta soudain violemment sur sa propre histoire et y dépensa l’énergie de son imagination pour expliquer ce qu’il savait, et se représenter l’inconnu.
Daniel va vite grandir à ce régime là, sa naissance placé sous le sceau de l’inconnu a imprimé en lui une sensibilité aigüe, elle exerce sur lui une attirance, celle dont il lui semble qu’elle pourra le, les, sauver, marquer leur vie d’une influence rédemptrice, et il devait lutter contre la tentation de s’éloigner froidement des gens heureux.
La première qui va croiser son chemin a tout d’une amazone de salon. Plus fougueuse que farouche, et aussi plus profonde qu’elle ne le paraît. Délicieusement vénéneuse et dangereusement venimeuse. Gwendolen avait tendance à penser à ceux qui la voyaient plutôt qu’à ceux qui ne la voyaient pas. Elle était dans cette première crise de révolte d’une jeunesse passionnée contre ce que l’on appelle, non pas à proprement parler la souffrance, mais plutôt l’absence de joie – cette première rage causée par les déceptions, au matin de la vie, que nous, que les années ont apaisés, ne parvenons à nous rappeler que vaguement comme faisant partie de notre propre expérience, et dont nous tolérons donc mal la nature narcissique, déraisonnable et rebelle.